Association L'Ange Bleu
A.N.P.I.C.P. (Association Nationale de Prévention et d'Information Concernant la Pédophilie)

33, avenue Philippe Auguste
75011 PARIS
Tél : 06 84 97 72 39


Rechercher sur le site : Tous les mots
Share |

Retour



Pédophilie : "J’éprouve une honte terrible"

19 juin 2011

Latifa Bennari a créé l’association L’Ange bleu pour épauler les pédophiles "abstinents" ou "repentis". Elle nous a fait rencontrer Victor (son prénom a été modifié), qui a longtemps téléchargé des images pédophiles sur Internet. Pour cet homme d’âge mur au visage juvénile, il faut cesser de considérer les personnes qui ont des fantasmes pédophiles comme des monstres et les aider à ne jamais passer à l’acte.

"C’est un énorme gâchis. De nombreux drames comme celui de l’Ain pourraient être évités, à condition d’intervenir avant que la vie d’un innocent ne soit détruite. Lutter contre la récidive, c’est bien, mais mener des actions de prévention, ce serait encore plus efficace. En écoutant les infos, j’ai eu l’impression de retrouver un bout de moi chez le criminel et, même si ça peut choquer, chez la victime. Comme à chaque fait divers tragique, le môme de 13 ans - moi - qui a été violé se sent ébranlé.

On ne naît pas pédophile, on le devient. En tout cas, c’est ce qui m’est arrivé. Avant l’âge de 13 ans, j’avais toujours été attiré par des petites filles dont j’étais secrètement amoureux. Et puis une de mes sœurs, plus âgée que moi, m’a violé, initié sexuellement alors que je n’étais même pas pubère. Ma sœur, je l’adorais. Elle était comme une deuxième mère pour moi, le troisième pilier de ma vie avec mes parents.

À partir de ce moment-là, je me suis retrouvé coupé en deux. D’un côté, je continuais à éprouver des sentiments pour les filles. Mais toute mon attirance physique se portait sur des petits garçons. J’en éprouvais - j’en éprouve toujours - une honte terrible. Ce n’était pas ce que je voulais, mais c’était plus fort que moi.

J’ai passé mon temps à lutter contre ces pulsions. Pour me soulager, je me procurais des revues pédopornographiques. J’ai tenu bon jusqu’à cette nuit, il y a plus de vingt ans, où je me suis retrouvé seul à garder des enfants endormis. Des enfants dont je vais abuser - en les caressant - dans leur sommeil. Ça n’a pas été violent, ils n’ont rien senti, mais j’ai été capable de faire du mal à des êtres humains. J’ai occulté ces actes impardonnables jusqu’à très récemment. Par la suite, je me suis contenté, si l’on peut dire car c’est également impardonnable, de consommer des images d’enfants sur Internet.

"Réorienter ma sexualité"

L’irruption de la justice dans ma vie l’a changée radicalement. En bien. J’ai été convoqué au tribunal pour détention d’images pédopornographiques. Après avoir été expertisé par un médecin, j’ai été condamné à une injonction de soins. Aujourd’hui, je suis en thérapie avec un psychiatre qui m’aide à sortir de mon immaturité, à faire grandir le môme violé à 13 ans. Depuis quelques mois, je prends, de ma propre initiative un traitement hormonal, la fameuse castration chimique, pour faire baisser ma libido. Ça marche plutôt bien. Mon objectif est de réorienter ma sexualité vers les femmes adultes. Je participe également à des groupes de parole où je découvre que je ne suis pas seul avec mes attirances coupables. Mais je ne comprends toujours pas comment j’ai pu me laisser aller cette fameuse nuit alors que je savais que c’était moralement impardonnable. Bien sûr, c’était une période de ma vie où j’étais particulièrement fragile, mais ça n’excuse rien.

Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être sur le bon - et long - chemin. Je n’ai plus d’ordinateur, plus de connexion Internet. Je viens de trouver un boulot après des années de flottement. La thérapie, c’est important, mais la meilleure façon de ne pas craquer, c’est de se donner toutes les armes pour tenir. Au fond, on se définit par ses actes.

Je me désespère quand je vois que la prévention se résume à des interventions dans les écoles pour dire aux enfants de faire attention. Il faudrait aussi agir sur les adultes. On éviterait beaucoup de crimes en aidant ceux qui ont une attirance pour les enfants à la gérer. Pourquoi ne pas créer des structures d’accueil, des groupes de parole préventifs où l’on apprendrait à mettre en place des cadres solides et structurants pour éviter les dérapages? Mais cela suppose de sortir du tabou et de dire l’indicible: certains êtres humains sont construits de telle manière qu’ils désirent les enfants. Souvent à cause d’une initiation sexuelle précoce et déplacée. Nous ne sommes pas des monstres. Seuls nos actes éventuels sont monstrueux.

En ce moment, j’ai l’impression de sortir de cette sexualité parasite, de cette solitude infinie que je ressens depuis mes 13 ans. Je suis tombé amoureux d’une femme avec qui j’ai des relations sexuelles. Je ne lui ai rien caché de mon passé. J’ai peur de le dire tellement je crains que ça revienne: depuis quelque temps, je ne désire plus les petits garçons."

Anne-Laure Barret - Le Journal du Dimanche

© 2011, Le Journal du Dimanche, Anne-Laure Barret - 19 juin 2011



 


© 2005 : Association L'Ange Bleu - Conception : KANYOO - Développement : Willm N.
Hébergement : 1&1 - Webmaster : webmaster(at)ange-bleu.be
L'Ange Bleu est une association régie par la loi du 1er Juillet 1901 Préfecture de Police de Paris : N°135 801 – P.J.O. n°1787 du 4 Juillet 1998


"Préservons leur avenir : protégeons l'environnement"