Association L'Ange Bleu
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«Maman, tu disais que les monstres n'existaient pas...»

Elle Québec, 1er avril 2007

Leurs rires éclatent comme autant de bulles de bonheur, leurs petits et gros chagrins nous inondent de tristesse, leurs peurs nous rappellent souvent les nôtres, leurs rêves semblent remplis de mondes possibles, leurs cauchemars sont nos pires ennemis...

Les enfants se modèlent sur ce que nous sommes et se moulent à notre personnalité, elle-même façonnée par notre passé, notre propre enfance. C'est grâce à notre amour inconditionnel qu'ils aimeront à leur tour. Pour la majorité d'entre nous, les enfants sont un concentré d'amour et d'innocence. Une promesse d'espoir. Pour les gens malmenés par la vie, meurtris ou juste mal-aimés, ils deviennent une source d'angoisse, de problèmes ou de malheur.

Pour les pédophiles, les enfants sont de petits adultes sexués, conscients de leurs attraits. Ce que j'ai lu sur Internet m'a d'ailleurs laissée pantoise. En cherchant de l'information sur le sujet, j'ai été happée par les commentaires de pédophiles tentant par tous les moyens de défendre leur «dignité» entachée par notre incompréhension, notre mépris, voire notre haine. Plusieurs essaient de justifier leurs penchants «enfantins» en nous rappelant naïvement que le mot pédophilie signifie aimer les enfants! Une rhétorique en entraînant une autre, ils se demandent ce qu'on leur reproche, et en quoi aimer les enfants est répréhensible. Ils sont d'ailleurs nombreux à prétendre que l'intérêt qu'ils portent aux jeunes est sincère et relève beaucoup plus de l'amitié que du sexe.

Mais comment imaginer qu'un enfant ou un ado puisse développer une relation amicale d'égal à égal avec un adulte immature, souffrant de troubles de la personnalité et aux prises avec ses démons? avec un chasseur patient, bien camouflé dans son habit de blogueur, à l'affût d'une proie facile et tentante, épiant ses moindres conversations sur le Web, attendant le moment propice pour lui offrir son abjecte amitié?

Ils proclament aussi, haut et fort, qu'ils ne sont pas des violeurs ni des monstres. Peut-être, mais tous éprouvent une attirance sexuelle pour les enfants, et tous sont susceptibles de passer à l'acte un jour ou l'autre. Et cette éventualité nous est insupportable.

Qu'ils soient passifs, actifs, abstinents, hétéros, gays ou bisexuels, les pédophiles souffrent d'une déviance comportementale qu'aucun traitement n'arrivera à éradiquer. Ils doivent vivre avec cette attirance malsaine toute leur vie. Et nous, les craindre à l'infini.

Le plus troublant, c'est que la plupart d'entre eux croient dur comme fer qu'ils ne font pas de mal aux enfants, qu'ils ne leur causent aucun préjudice. Alors qu'on sait très bien que les jeunes victimes prennent des années à guérir de leurs blessures, souvent dévastatrices.

J'avoue que je me serais transformée en bourreau si un pédophile avait chatté avec mes enfants, les avait rencontrés ou, pire, agressés. Aucune sentence n'aurait été assez lourde pour ce prédateur, aucune souffrance n'aurait pu atténuer la violence des sentiments que m'inspire ce type d'agression. Mais la peine de mort étant abolie – et je suis contre la peine de mort –,il faut bien vivre avec ce genre d'individus, et composer avec le fait qu'un humain se cache derrière chacun de ces ogres dévoreurs d'enfants.

On dit souvent à nos tout-petits que les monstres n'existent pas... Mais en sommes-nous certains? Avons-nous bien vérifié dans tous les placards?

Comprendre l'incompréhensible? Certaines personnes y arrivent mieux que moi. Latifa Bennari est une de celles-là. La fondatrice et présidente de l'association française L'Ange Bleu a elle-même été victime d'agression pédophile dès l'âge de 6 ans, et ce, jusqu'à14 ans. Elle lutte aujourd'hui contre les préjugés en rencontrant les victimes de tels actes mais aussi en donnant la parole à leurs agresseurs (voir notre reportage «Des pédophiles parlent. Voulons-nous les entendre?», à la page 106). Voilà qui demande beaucoup d'indulgence, de courage et d'intelligence.
(Par Sylvie Poirier, Photo: Carl Lessard)

© 2007, Elle Québec, Sylvie Poirier - 1er avril 2007

 


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