Tranche de vie : Il a pris goût au jeu de l'amour interdit...Violé à l'âge de 8 ans, Nabil devient prostitué à 14 ans. Aujourd'hui, il essaie de se reconstruire.

Meknes.net, 12 novembre 2006

Le 1er décembre, Nabil bouclera ses 18 ans. Une tranche de vie qui n'a pas atteint les deux décennies, mais qui est déjà très riche en événements, malheureusement pas toujours gais. Il a suffit d'un seul geste, commis par un monstre, pour que sa vie bascule et vire au drame. A l'âge de 8 ans, l'innocence de l'enfant qu'il était a été maculée par la perversité d'un grand ami de la famille qui a abusé de lui. Le coupable a longuement prémédité son crime avant de passer à l'acte.

Les multiples tentatives de séduction ont fini par faire tomber le petit dans le piège. Promenades à la plage, argent et cadeaux à volonté étaient pour apprivoiser la victime. L'enfant soupçonnait tout de même quelque perfidie et en a parlé à sa grande sœur, laquelle avertit à son tour les parents.

Ce jour-là, Nabil avoue qu'il s'attendait à ce qu'un scandale retentisse le lendemain. Il n'en fut rien. Une erreur monumentale commise par les parents que le petit paya au prix fort puisqu'elle a permis à l'ami du père de continuer son manège. Après moult tentatives, la résistance de Nabil faiblit et puis il cède. Pis encore, il commence à prendre du plaisir à ce qui était au début un supplice. Sans trop tarder, c'est une quête éperdue du plaisir qu'il entame auprès d'autres hommes.

Et là, c'est la descente aux enfers. A 14 ans, il commence à se prostituer. «Cela fait près de 4 ans que je suis dans le domaine. J'ai eu mon premier client quand j'étais en 8e», avoue-t-il. Une histoire qui s'est terminée au commissariat. Pour l'innocenter, son père le force à mentir et à dire que le client en question l'avait pris de force alors qu'en réalité il était consentant. Aujourd'hui, en remémorant cet incident, il regrette d'avoir écouté ses parents. L'hiver dernier, il s'est retrouvé dans la rue suite à une dispute avec sa famille.

Quand sa mère a tenté de le repêcher, il lui a lancé cette phrase en pleine figure : «Il fallait agir quand il était encore temps. Je vous ai pourtant tout dit.» Ce n'est qu'à ce moment-là que sa famille a tout déballé à la femme du coupable. Quand la réalité a éclaté au grand jour, le jeune homme ne pouvait plus sortir. Il était assailli de toutes parts par le regard des autres, par leurs mots blessants et parfois même par des agressions physiques.

Aujourd'hui, il vit avec ses parents sous haute surveillance. Son père contrôle tous ses faits et gestes. «Quand il me surprend dans la rue à papoter avec un voisin, «mâle», il me bat en m'accusant de le draguer. Quand je suis avec une fille, il m'accuse d'apprendre les manières et les gestes des femmes. Je voudrais juste qu'il me dise avec quelle espèce d'être humain j'ai le droit de communiquer», demande-t-il en colère.

La réaction du père et son recours aux méthodes fortes ne font qu'enfoncer Nabil. «Je suis furieux contre tout le monde parce que personne n'a essayé de me venir en aide.
Quand j'ai commencé à me prostituer, c'était pour me venger de ma famille, de la société et surtout de moi-même», confesse-t-il les larmes aux yeux.

La planche de salut:
Il s'en est fallu de peu pour que Nabil soit sauvé. Il avait seulement besoin d'être écouté au lieu d'être jugé automatiquement. Cette oreille attentive, c'est chez Latifa Bennari, présidente de l'association «L'Ange bleu», qu'il l'a trouvée.

«Latifa a été la première personne qui m'a compris. Elle ne m'a pas considéré comme un coupable mais plutôt comme une victime.» La dame lui conseille alors de recommencer une nouvelle vie. Nabil ne demande que ça.

En attendant avec impatience de voir naître, au Maroc, la nouvelle association de cette militante, il fait de son mieux pour avoir un statut social et vivre comme tout le monde.
(Kenza Alaoui, LE MATIN )

© 2006, Meknes.net, Kenza Alaoui - 12 novembre 2006
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