Association L'Ange Bleu
A.N.P.I.C.P. (Association Nationale de Prévention et d'Information Concernant la Pédophilie)

33, avenue Philippe Auguste
75011 PARIS
Tél : 06 84 97 72 39


Rechercher sur le site : Tous les mots
Share |

Retour



Donner la parole aux pédophiles pour éviter le passage à l’acte

Le Courrier, 10 mai 2003

Donner la parole aux pédophiles pour éviter le passage à l’acte
Dans le combat en faveur des enfants victimes de maltraitance sexuelle, l’approche préventive de Latifa Bennari prend racine dans la démystification du «monstre».

Ne tirez pas sur les pédophiles, implore en substance Latifa Bennari. A contre-courant de certains milieux actifs dans la lutte contre la pédophilie, dont elle dénonce les dérives, la fondatrice et présidente de l’Ange bleu, association nationale (française) de prévention et d’information concernant la pédophilie, s’élève contre la diabolisation de ceux que la société considère comme des monstres. Ne serait-ce que parce qu’une personne attirée sexuellement par les enfants ne passe pas nécessairement à l’acte.
Latifa Bennari est claire: toute forme de relation pédosexuelle, qu’elle soit perpétrée dans la violence ou «consentie» par la victime (lire ci-dessous), est condamnable moralement et constitue un acte délictueux. Mais, au-delà du volet de la répression, il y a celui de la prévention, auquel s’intéresse l’Ange bleu. Un domaine où le bât blesse par manque de compréhension de la pédophilie et de qui sont véritablement les pédophiles, selon Latifa Bennari, qui vient par ailleurs de publier le livre La fin d’un silence (1).
Elle-même victime d’agressions sexuelles dans son enfance au Maroc, l’auteure retrace son parcours et livre des témoignages de victimes, de pédophiles abstinents et d’agresseurs sexuels incarcérés. Mais ce qui fait l’originalité de cet ouvrage, présenté à Genève lors du dernier Salon international du livre et de la presse, c’est la démarche par laquelle Latifa Bennari aborde la problématique de la pédophilie.

COMBATTRE LES ACTES...
Engagée depuis trente ans dans l’aide aux victimes, elle a beaucoup appris en approchant des pédophiles et des détenus. Sa connaissance du terrain lui a permis d’établir ce constat: l’attirance sexuelle pour les enfants apparaît généralement très tôt et précède souvent de plusieurs années un premier passage à l’acte. Si bien que les actions uniquement tournées vers la prévention de la récidive ne suffisent pas. Il s’agit aussi d’aider le pédophile abstinent à renoncer à passer à l’acte une première fois. Comment? Certainement pas par une mise au pilori, qui «ne tend qu’à figer l’individu dans ses attirances et n’apporte aucune solution». Fustigeant sensationnalisme médiatique et stigmatisation collective autour de la question, Mme Bennari défend une prise en compte «de tous les pédophiles dans leur diversité» qui laisse la possibilité à chacun de «trouver ses propres solutions» pour vivre sa sexualité d’une manière respectueuse des enfants.

...PAS LES PERSONNES
Le pédophile est une personne qui souffre du sentiment d’«anormalité» et d’isolement social, explique Latifa Bennari. Cette dernière est convaincue qu’une écoute et un soutien psychologique appropriés peuvent l’aider à renoncer à la concrétisation de ses pulsions. Il s’agit donc tout simplement de lui donner la parole.
La première étape vise la prise de conscience des fantasmes pédophiliques. «Ce qui ne va pas toujours de soi», selon Mme Bennari. L’individu doit ensuite assumer le statut de pédophile – même s’il a, par choix éclairé, par inhibition ou par peur de représailles, exclu le fait d’avoir des relations sexuelles avec des enfants. La phase suivante débouche sur la prise de conscience de l’inutilité, voire de la nocivité, d’une lutte contre ses propres penchants. «En apprenant à s’accepter finalement telle qu’elle est, la personne parvient alors plus facilement à faire évoluer sa sexualité vers des formes socialement acceptables, en renonçant à l’angoissante tentation du passage à l’acte», affirme Latifa Bennari.

FORMER DES THÉRAPEUTES
Pour la présidente de l’Ange bleu, le délinquant sexuel n’est ainsi pas nécessairement le monstre qu’on imagine. Pour peu que des structures lui permettent d’intégrer une forme de réhabilitation sociale. Aujourd’hui, vu les sollicitations que reçoit une association comme l’Ange bleu de la part de psychiatres, psychologues, sexologues et travailleurs sociaux, sa présidente envisage la création d’une fondation mondiale constituée par un réseau de thérapeutes formés à distance à l’aide aux pédophiles, aux victimes et aux proches, dont l’antenne serait... à Genève.
Certes, la marche est haute. Mais Latifa Bennari va encore plus loin, en estimant qu’il est possible d’associer certains pédophiles à la protection des enfants contre la maltraitance sexuelle. Le loup dans la bergerie? «Une marque de confiance qui responsabilise, permet de réparer symboliquement ce qui a pu être fait, et qui va dans le sens de la prévention du passage à l’acte.»

1 La fin d’un silence. Pédophilie: une approche différente, Latifa Bennari, AD2 Editions, décembre 2002, 504 pages.

Idées fausses et vraies dérives

Autodidacte, Latifa Bennari. Elle n’a pas de diplôme à mettre en avant. Ses connaissances sur la pédophilie et la maltraitance sexuelle des enfants, elle les tire du terrain. Pédagogue, aussi. Son expérience de militante, qu’elle propage sans véritables autres ressources que son bâton de pèlerin, trouve écho auprès des milieux politique, médical et carcéral français. Quand bien même, la reconnaissance dont bénéficie son action ne met pas la présidente de l’Ange bleu à l’abri de l’hostilité de certains milieux, notamment traditionalistes, qui militent pour la protection de l’enfance. Soupçonnée de complaisance – voire de soutien et d’encouragement – à la pédophilie, Latifa Bennari répond à ses détracteurs dans le chapitre «Dérives dans la lutte contre la pédophilie» de son livre. Mettant de telles accusations sur le compte de la méconnaissance, la militante saisit l’occasion de s’exprimer sur les a priori qui gangrènent la compréhension de la problématique complexe qu’est la pédophilie. Rencontre.

Le Courrier: Peut-on soigner la pédophilie ?
– Latifa Bennari: La pédophilie n’est pas une maladie, mais une orientation sexuelle particulière. Je ne pense pas qu’on puisse «soigner» les pédophiles malgré eux. On peut les aider, le cas échéant, à dépasser les troubles comme l’addiction aux images pornographiques ou non, mais pas les faire changer d’orientation. Si leurs attirances peuvent évoluer, ce n’est en tout cas pas sous l’effet d’un conditionnement décidé par une tierce personne.

Quelle est la principale dérive du combat contre la pédophilie ?
– Le fait de parler de lutte contre la pédophilie au lieu de lutte contre la maltraitance sexuelle sur des enfants est déjà une dérive, à laquelle j’ai d’ailleurs moi-même contribué. L’aide aux pédophiles abstinents fait partie des moyens de lutte contre les abus sexuels. Dès lors, on ne peut pas aider des personnes contre lesquelles on dit lutter.

Vous évoquez également l’inadéquation des campagnes de prévention...
– Prenez les campagnes d’information destinées aux enfants. Elles se focalisent sur le danger lié à une personne inconnue et occultent les abus et les viols incestueux ou commis par des proches, alors que cette réalité est largement connue. Autre aspect jamais abordé: le fait que certains enfants peuvent ressentir du plaisir lors de relations sexuelles. Cette négation tend à enfermer ces derniers dans l’angoisse de l’anormalité, la honte et le silence.

Ce qui nous amène à la notion de relation sexuelle consentante de la part de l’enfant. Mythe ou réalité ?
– On a beaucoup abusé de la formule choc «un enfant n’est jamais consentant». C’est un raccourci contestable. «Consentir» revient à «donner son accord», mais ce terme ne reflète aucune idée de maturité ou de conscience des tenants et des aboutissants. Si bien que, dans certains cas (en termes médico-juridiques, par exemple, ndlr) il est nécessaire d’invoquer le concept de «consentement éclairé». Ce qui montre bien que certains consentements ne le sont pas.
«Dans les faits, j’ai recueilli des témoignages d’enfants qui, pour diverses raisons, avaient accepté, voire sollicité, des relations sexuelles. Cela ne signifie nullement qu’ils disposent du recul et de la maturité nécessaires à un consentement libre et éclairé: ils sont indéniablement des victimes. Le législateur ne s’y trompe pas, en condamnant les relations sexuelles sans contrainte entre un majeur et un mineur de quinze ans.

Y a-t-il d’autres vérités douteuses?
– Certaines affirmations, posées comme des dogmes, la plupart du temps dans l’ignorance du développement psychologique et sexuel de l’enfant, l’enferment dans une vision idéalisée et peuvent avoir des effets désastreux. Par exemple, «un enfant ne ment pas», «ne peut pas avoir imaginé tout ça», «ne fait jamais d’avances à un adulte». Par ailleurs, affirmer qu’un «pédophile est presque toujours une ancienne victime d’abus sexuels» – ce qui n’est pas vrai – dispense de se poser la question sur l’ensemble des dysfonctionnements familiaux...
«Une autre allégation, que je trouve pour ma part scandaleuse, est que «les victimes de maltraitance sexuelle sont brisées à jamais». Je suis bien placée pour prouver que la souffrance n’est pas une fatalité. Maintenir ainsi les victimes de maltraitance sexuelle dans leur statut de victime en maximisant leur souffrance ne les aide en rien à se reconstruire. A se demander si cette attitude ne relève pas d’une sorte de «compassion» malsaine entretenue dans le but de justifier la chasse aux sorcières...
Propos recueillis par CAc

© 2003, Le Courrier, Corinne Aublanc - 10 mai 2003
Source

 


© 2005 : Association L'Ange Bleu - Conception : KANYOO - Développement : Willm N.
Hébergement : 1&1 - Webmaster : webmaster(at)ange-bleu.be
L'Ange Bleu est une association régie par la loi du 1er Juillet 1901 Préfecture de Police de Paris : N°135 801 – P.J.O. n°1787 du 4 Juillet 1998


"Préservons leur avenir : protégeons l'environnement"